Le Shrine est plutôt très connu pour empester la marijuana et être un repère de danseuses, et non pour être un lieu de rencontres diplomatiques.
Le choix du Nigeria est à la fois étonnant et symbolique. Cette salle de concert historique de Lagos créée par le roi nigérian de l’afrobeat Fela Kuti est plutôt très connue pour empester la marijuana et être un repère de danseuses, et non pour être un lieu de rencontres diplomatiques. Le Shrine représente un lieu emblématique de la culture nigériane. C’est dans cette salle que le président français a choisi de faire son discours pour annoncer ce mardi 3 juillet l’organisation de la Saison des cultures africaines en France en 2020.
Emmanuel Macron a été reçu par son homologue nigérian à Lagos, une ville de 20 millions d’habitants, afin de discuter du terrorisme et du G5 Sahel. Le président français avait commencé cette tournée africaine par le sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à Nouakchott en Mauritanie. Il est maintenant au Nigeria pour s’entretenir avec son homologue nigérian Muhammadu Buhari.
Il y est resté pour un jour de plus, afin de rencontrer une toute autre personnalité : l’esprit de Fela Kuti qui était autrefois surnommé : « The black president ». Les élus du Rassemblement national (ex-Front national) et Les Républicains ne vont certainement pas apprécier ce choix du président Macron, qui intervient seulement deux semaines après sa fête de la musique célébrée à l’Élysée.
C’est la toute première fois qu’un vrai président se rend Shrine !
Le président français a été l’invité VIP d’une soirée au Shrine, loin des sommets diplomatiques du G7 et donc du G5 Sahel. Lors de la soirée, l’homme a eu droit à des défilés des plus grands créateurs de mode ou de rencontres avec les incontournables de l’art contemporain africain. Dans les coulisses, on avait appris qu’il pourrait jouer une scène de théâtre avec des acteurs nigérians.
The New Afrika Shrine veut avoir la réputation d’être « L’ENDROIT » où il faut se rendre pour les soirées en boîte, les concerts, les spectacles, et même pour les conférences.
C’est le fils de Fela Kuti qui s’occupe de la gestion du lieu, à la place de son père. Et il faut avouer que 20 ans après la disparition de l’artiste et homme politique nigérian, polygame avec un nombre incalculable de femmes, le Shrine fait toujours l’objet d’un rejet au Nigeria qui est un pays très conservateur et religieux. Fela avait même été emprisonné et harcelé à cause de ses choix politiques radicaux.
Alors, voir un vrai président au Shrine est vraiment étonnant. Certains considèrent même l’info comme une pure invention à Lagos. Ibrahim Tcha-Tchere, employé du centre culturel français puis de l’Alliance Française depuis 1983 considère cela comme son « cadeau de départ pour la retraite ».
Olivier Laouchez, PDG du groupe TRACE et organisateur de l’événement a souligné : « Il nous a fallu une grande organisation, vu qu’il y a des coupures d’électricité fréquentes ici. Et il était important de faire en sorte que les ventilateurs du plafond ne tombent pas sur les invités. Néanmoins, ça nous a donné un bon coup de fouet ».
Cet endroit est « incontournable » pour une « politique africaine jeune » !
Il faut aussi préciser que visiter le Nigeria a un sens précis pour le président français, au-delà du Shrine. Le Nigeria est l’un des pays qui envoient le plus d’hommes dans les missions de maintien de la paix des Nations Unies. Présentement, le pays a ses soldats dans 9 pays sur les 14 dans lesquels des opérations sont en cours. Aussi, en 2013, le Nigeria était parmi les premières nations à envoyer des hommes au Mali dans le cadre de la Misma (Mission Internationale de Soutien au Mali) dirigée par les États africains. Au total, le Nigeria avait déployé 1 200 hommes et avait assuré la coordination des opérations.
« Le Nigeria influe grandement sur son environnement régional, en raison de sa grande population et de l’importance de sa diaspora qui compte environ 17 millions de personnes. Et ses banques ont une grande puissance financière, sans parler de sa production audiovisuelle importante », précise France Diplomatie. Tcha-Tchere a aussi dit : « La France a toujours grandement coopéré avec le Nigeria sur le plan culturel ».
Olivier Laouchez a confié à l’AFP : « Nous devons présenter la richesse et la diversité culturelles africaines. L’Afrique n’est pas connue en Europe. De toute façon, c’est le cas en ce qui concerne la culture. On ne peut se passer du Shrine et l’Élysée souhaite encourager une politique africaine jeune, davantage centrée sur les pays anglophones ».
Pendant sa campagne, Emmanuel Macron avait déclaré qu’il avait pour objectif de consolider les relations entre la France et les pays africains. En novembre dernier, il s’était engagé dans sa première longue tournée en Afrique, dans le but de corriger l’image et l’influence française en Afrique. François Gaulme, chercheur associé à l’Ifri et spécialiste de l’Afrique, avait précisé au HuffPost : « Ce qu’il veut, c’est prouver qu’il est d’une nouvelle génération bien différente du passé colonial. Il a pour but d’effacer cette image négative de colonisateur que la France a toujours eue ».
Hier mardi 3 juillet, le président de la République a même retweeté une vidéo datant de décembre 2017, dans laquelle il expliquait comment son séjour au Nigeria, son premier séjour en Afrique à l’âge de 23 ans, « avait changé la façon dont il voyait l’Afrique et sa jeunesse ».
Retour au Nigeria, 17 ans plus tard. https://t.co/ZMCUp5lgRv
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 3 juillet 2018
La musique et le cinéma sont les puissances porteuses de la culture du Nigeria !
Olivier Laouchez a aussi fait savoir que : « Lagos avait gagné le statut de la plus grande capitale culturelle du continent africain ». Il a précisé : « Sur le plan musical, le mouvement du nouveau afrobeat nigérian avec les artistes comme Davido, Wizkid, ou Mr Eazi est de plus en plus connu dans le monde. Aujourd’hui, ce mouvement impacte toute la culture afro-urbaine jusqu’aux Caraïbes ».
Les acteurs de Nollywood, deuxième industrie cinématographique au monde en matière de production, recevront également la visite d’Emmanuel Macron. Les films de Nollywood n’arrivent cependant pas à se faire connaître hors du continent africain. Il faut tout de même souligner que les stars nigérianes ont des fan-clubs tout comme les plus grandes stars américaines, de Dakar à Nairobi en passant par Douala et Harare.
En ce qui concerne l’art contemporain, il y a une rude concurrence entre Lagos et l’Afrique du Sud. L’art contemporain prend de l’ampleur à Lagos grâce à son nouvel événement annuel Art X qui accueillera aussi la célèbre commissaire d’exposition Tokini Peterside. La spécialiste de l’Art contemporain africain basée au Bénin voisin, Marie-Cecile Zinsou a confié : « C’est clair, les choses bougent au Nigeria. Il n’y a qu’à voir la multiplication des ventes aux enchères à Lagos. Et ça va continuer de croître ».
La seule personne qui pourrait ne pas apprécier cette soirée festive est donc le feu Fela Kuti qui a son portrait grandeur nature au-dessus de la scène telle une figure christique dans une église. L’homme qui a passé sa vie à livrer un combat contre les VIP et les grandes puissances mondiales ne pouvait certainement pas se dire qu’un jour, il recevrait un président européen et le gouverneur de Lagos dans son « sanctuaire ».
Source : Huffingtonpost.fr
