8 millions de personnes ont été convoquées aux urnes pour choisir leur candidat durant ce premier tour de l’élection présidentielle le 29 juillet 2018. Le scrutin s’est déroulé dans un climat apaisé dans la capitale, mais avec quelques incidents dans le centre et le nord du pays.
Dans le bureau de vote n° 3 du lycée Mamadou-Sarr, dans la commune 4 de Bamako, les colliers de serrage en plastique jaune sur les couvercles des urnes, ne laissent pas passer les bulletins aisément. Il a fallu plusieurs coups sous le regard vigilant de la dizaine de délégués des partis présents dans la salle pour les retirer. Ce 29 juillet, il sonnait 18 heures, les assesseurs, président de bureau, délégués et observateurs étaient tous dans le noir dans le bureau de vote, tout comme c’était le cas dans la grande majorité des 23 041 bureaux de vote. Le dépouillement a dû se faire à la lumière de lampes-tempête. 252 bulletins dépouillés en 1 heure 30 minutes.
L’assesseur de l’opposition sortait un à un les bulletins de vote face à la foule et criait les noms des candidats. Un membre de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) trace devant les noms de candidats des traits matérialisant le nombre de votes obtenus. Moussa Sow, délégué du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti du président et candidat Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), se tenait aux premières loges et faisait ses propres comptes en traçant des maladroits au stylo bille sur un cahier grands carreaux. Ce jeune Malien n’avait jamais pris part à un dépouillement. Il a confié : « Je voulais être délégué pour ne pas qu’il y ait de fraude lors de cette élection, car nous avons l’habitude de voir cela chez nous. Mais là, je suis très content, je n’ai pas constaté d’irrégularités. Que le meilleur gagne ». On pouvait constater la bonne ambiance qui régnait entre les représentants des rivaux dans ce bureau. Pendant ce temps, on entendait des cris de protestation depuis l’ouverture de l’urne. Chaque bureau vivait sa propre réalité.
Machine à compiler !
Dans le bureau de vote n° 3, Soumaïla Cissé de l’Union pour la République et la démocratie (URD) et IBK, les deux candidats qui étaient désignés comme favoris pendant la campagne électorale sont arrivés deux premiers. Le récapitulatif des voix sur le tableau noir, attire l’attention des 24 candidats. On les voit passer leur tête à travers la double porte en ferraille de la salle pour récupérer les chiffres et les transmettre à leurs représentants, à l’entrée de l’école. Chaque candidat favori à son propre pupitre. Aussitôt que les bureaux de vote ont fermé, les candidats ont lancé leur propre machine à compiler les résultats, en tout cas ceux qui en ont les moyens. Cela est beaucoup motivé par le fait de vouloir gagner le plus de temps possible pour préparer la potentielle bataille du second tour prévu pour le 12 août 2018 que par le désir de vite avoir les grandes tendances avant la proclamation des résultats provisoires par la CENI (le 3 août dernier délai).
Au terme de ce premier tour, les deux candidats annoncés favoris donnent leur camp respectif gagnant. À 21h30, Tiébilé Dramé, le directeur de campagne de M. Cissé, a affirmé : « Vous verrez que la soif d’alternance s’est sans doute traduite dans les urnes ». Bocary Tréta, directeur de campagne d’IBK, avait quant à lui dit, quelques heures plus tôt : « Il a eu une mobilisation exceptionnelle en faveur d’IBK. Nous attendons avec une grande sérénité les résultats ». Il a ensuite dit que les conditions d’organisation du scrutin l’avaient « pleinement satisfait ».
Urnes volées !
Bamako a connu un scrutin dans un climat apaisé, mais c’était moins le cas dans le nord et le centre du Mali où l’élection a été perturbée par des incidents sécuritaires. Le ministère de l’Administration Territoriale a publié un communiqué dans la soirée du 29 juillet pour signaler que les citoyens n’ont pas pu voter dans 644 bureaux de vote, en raison « d’attaques à main armée et autres violences ». Pas moins de 80 % des bureaux de vote en question sont localisés dans le centre du pays. Depuis plus d’un an et demi, attaques terroristes et les conflits intercommunautaires ne cessent plus dans cette région du Mali. Le ministère de l’Administration Territoriale a aussi informé que le scrutin s’est tenu dans les 3 988 autres bureaux du nord et du centre, mais avec quelques incidents. L’insécurité dans le nord et le centre sérieusement perturbés ont même obligé à annuler le scrutin dans près d’un bureau de vote sur cinq dans le pays. 36,6 % des électeurs vivent dans ces régions.
Dans la région de Tombouctou, on a assisté à des saccages de bureaux de vote et 18 urnes ont été volées. Du côté de Hombori et Drimbé, il y a eu des tirs d’intimidation et à Gandamia et Ourennema dans la région de Mopti, dans le centre du Mali, des agents électoraux ont été agressés. On a dénombré au total pas moins de 15 incidents sécuritaires. Plus dangereux, une dizaine d’obus se sont écrasés à Aguelhok, dans la région de Kidal, certains étaient tombés près du camp de la Minusma, la mission des Nations unies au Mali et d’un centre de vote. Néanmoins, personne n’a été tué, ni blessé.
« L’État malien failli à sa mission de sécurisation du scrutin. En dépit du déploiement annoncé de plus de 30 000 agents de forces de sécurité, nous exhortons les autorités à en tirer toutes les conséquences », regrette M. Dramé. Son homologue rival, M. Tréta fait remarquer une amélioration de la situation, par rapport au dernier scrutin organisé en 2016 : « Le scrutin présidentiel de 2018 a été organisé dans des localités ou cela n’avait pas été possible, lors des élections communales de 2016. Ce qui est une grande progression. Bien sûr, je reconnais que nous sommes dans un pays qui cherche à sortir d’une crise profonde. Çà et là, nous avons noté quelques rebondissements, quelques cas de violences, mais qui sont à mon sens des cas isolés ».