Hier, mardi 24 juillet 2018, les médias ont été pris de court par Delpuech et Collomb qui tiennent maintenant des versions contradictoires dans l’affaire Benalla, soulignant la prise de distance du président Macron qui ne s’est toujours pas prononcé sur la question.
Les manchettes françaises ont encore mis à leurs unes l’affaire Benalla. Mais le président de la République est visiblement très décidé à ne pas commenter la question. Actuellement, la gouvernance de Macron connaît sa première grosse tempête, en raison de l’apparition en ligne d’images sur lesquelles, on voit un proche collaborateur du chef de l’État, Alexandre Benalla donnant des coups et brutalisant deux manifestants le 1er mai 2018. On attend toujours que le pouvoir central donne des explications.
La commission des Lois de l’Assemblée nationale a, lundi 23 juillet 2018, écouté : le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, le préfet de police Michel Delpuech et le directeur de l’Ordre Public de la préfecture. Les versions étaient bien contradictoires. Gérard Collomb accusait directement la préfecture, Michel Delpuech soutenait qu’il s’agissait de « des dérives individuelles sur fond de copinages malsains ».
« On opacifie le décor » !
Les versions contradictoires et les acteurs qui s’accusent mutuellement sont devenus les choux gras des médias. En somme, ce qu’on peut retenir de la journée d’hier, c’est ce : « Ce n’est pas moi, c’est l’autre ». Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, et le préfet de police de Paris, Michel Delpuech se sont mutuellement rejeté la faute dessus, ce qui ne sera pas sans conséquences sur la gouvernance de Macron. Mais pourquoi l’un ou l’autre devrait assumer cette responsabilité ? Il apparaît évident que ces deux personnes étaient des boucs émissaires tout fait, alors qu’on sait pertinemment que tout ceci s’est passé à un niveau bien plus haut, et que les seuls qui savent vraiment ce qui s’est passé sont ceux du palais de l’Élysée en général et le président de République plus particulièrement. Dans les colonnes de La Provence, Franz-Olivier Giesbert a écrit : « Emmanuel Macron peut se mettre à l’écart autant qu’il peut et désamorcer temporairement la crise, mais il reste le premier concerné ». Didier Rose résume dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace : « Au niveau où on en est, ce n’est plus une diversion, mais une émission massive de fumigènes. Ils essayent de brouiller les pistes pour faire d’une crise au sommet de l’État, un dysfonctionnement au niveau des subordonnés ».
Olivier Biscaye de Midi libre trouve également que : « Collomb et Delpuech obligent le président à se prononcer sur la question. Après cette journée renversante, avec des questions-réponses, on ne détermine toujours pas clairement la responsabilité de chaque acteur. Ils se contredisent toujours à propos de cette protection suprême. On n’est pas sûr que les prochaines auditions puissent permettre de faire la lumière sur cette affaire. L’Élysée est pris en tenaille. Emmanuel Macron doit maintenant prendre ses responsabilités. Il doit le faire pour arrêter ce calvaire. Il n’y a plus d’autres solutions. Seul, face aux Français. La dure loi du genre ». C’est pareil du côté de Bruno Dive, dans Sud-Ouest, il a mentionné : « Avec les réponses vides servies par Collomb et celles précises de Delpuech, on a tout de même pu confirmer nos doutes : ceux qui doivent être écoutés, ceux qui sont à la base même de cette affaire, sont Emmanuel Macron, et ses proches ».
« Rivaux dans l’adversité » !
Dans Le Républicain lorrain de Pierre Fréhel, on peut voir la confusion née des différentes auditions. Désormais, Alexandre Benalla est devenu un vague personnage pour tout le monde. Le ministre de l’Intérieur et le préfet de police de Paris ont souvent eu des trous de mémoire durant leur interrogatoire sous serment conduit par la commission d’enquête parlementaire. Heureusement, ce collaborateur du président n’est pas sous leur autorité, en fait il n’est pas policier. Ouf ! Ça n’a pas grande importance que ce privé qui bénéficie de nombreux avantages participe en public à des opérations de police et de sécurité, et surtout, il s’occupe de la sécurité du couple présidentiel, alors qu’il était viré (petit mensonge de l’Élysée). Très habillement, Gérard Collomb et Michel Delpuech, rivaux dans l’adversité, prétendent ne pas être au courant de la présence de Benalla afin de lever tout doute d’eux et d’attirer l’attention sur l’illustre employeur de l’encombrant M. Bellana qui a fini par être viré dans la précipitation.
Dans La Nouvelle République, Denis Daumin a expliqué : « Les cordonniers sont les plus mal chaussés et les grands flics, et même les premiers, n’ont souvent pas la bonne information. On n’a pas du tout été satisfait suite au petit cinéma des auditions policières à l’Assemblée hier. C’étaient pourtant ces auditions qui étaient censées aider à comprendre cette complexe affaire Benalla, mais elles ont eu l’effet inverse ». Du côté d’Hervé Chabaud de L’Union et l’Ardennais, c’est le même constat : « Étonnement total et descente dans la réalité ! Les seules choses qu’on pourrait garder de l’audition du ministre d’État, ministre de l’Intérieur Gérard Collomb sont cette hypocrisie évidente, cette manie de rejeter le tort sur le préfet de police et ses collaborateurs, cette façon de décliner toute responsabilité ou presque tel un jeune innocent ! C’est une façon bien disgracieuse et pathétique de faire diversion en mettant en avant des boucs émissaires pour finalement faire le ménage dans un gouvernement aux mille dérives. C’est une simple diversion sans effet ».
Le silence d’Emmanuel Macron !
Aussi, le silence du président de la République n’est pas du tout du goût des médias. Dans Le Courrier picard, Bertrand Meinnel : « À l’abri dans un palais dont il pensait qu’il était imperméable aux scandales, Macron reste muet et pour une fois, il tente de ne pas attiser la flamme. Bien sûr, la République est inattaquable, mais ses représentants ont toujours peur d’être court-circuités. Et cette peur est encore plus grande quand les fusibles fondent, mais refusent de sauter, comme s’il s’agissait d’un simple bricolage fait par des amateurs qui n’ont respecté aucune règle de sécurité. Vu ce début, on peut déjà imaginer que les prochaines auditions des plus proches collaborateurs du chef de l’État feront davantage d’étincelles. On n’assistera certainement pas à une baisse de la surtension médiatico-politique à l’Assemblée nationale, particulièrement quand personne ne veut assumer la responsabilité de ce qui se passe ».
Dans Le Journal de la Haute-Marne, Patrice Chabanet a expliqué : « Quand on met en lien le silence du chef de l’État et les réponses peu convaincantes apportées par les responsables auditionnés, on a un gros doute. Cependant, précisons que les oppositions n’ont pas systématiquement la victoire, même si le silence du président les place dans une bonne position. C’est plutôt étrange de voir l’extrême droite et l’extrême gauche tenir le même discours et avec les mêmes arguments ».
Dans l’Humanité, Sébastien Crepel a précisé : « On peut observer qu’une ligne de défense se démarque : le pouvoir central s’apprête à rejeter l’intégralité du tort pour faire tourner les regards vers des boucs émissaires. Ce comportement est honteux et prouve bien la face cachée du pouvoir absolu qu’Emmanuel Macron voulait obtenir, avant que sa révision constitutionnelle ne tombe à l’eau, pour le bien public. Sur ce point de l’entêtement du pouvoir central, les oppositions à l’Assemblée nationale ont bel et bien eu raison et cela prouve que l’équilibre des pouvoirs est très important, qu’il faut le conquérir et le promouvoir. On espère que le Parlement prendra plus ses responsabilités dans cette crise et éliminera tout ce qui entrave l’audition du principal intéressé : Emmanuel Macron ».
Alain Dusart de L’Est républicain est sûr que : « Des têtes vont tomber au palais. Aucune réorganisation, peu importe sa sophistication, aucune réforme politique de la sécurité présidentielle, n’épargnera Emmanuel Macron des dégâts sur les plans politique et moral. Ce président qui ne cesse de donner des leçons à tout le monde, est bien trop rusée pour que lui échappe le fait que cette affaire fumeuse laissera un très mauvais arrière-goût et entamera la confiance des Français qui ont cru en lui quand il promettait une France débarrassée de tout vice. Et sous réserve d’autres révélations plus désastreuses, et en l’absence de résultats probants de sa stratégie, notamment économique, précisons que sa côte a déjà sérieusement baissé » !