Alexandre Benalla avait commencé à se faire connaître au début de 2010. À cette époque, il s’était dirigé vers Éric Plumer, le patron du service d’ordre du PS, pour lui offrir ses services. Alexandre Benalla avait alors montré des photos de lui aux côtés d’acteurs de cinéma dont il assurait la sécurité afin de convaincre M. Plumer. Il avait 19 ans, avait grandi à Évreux et étudiait en licence à Rouen. Il était attirait par tout ce qui touchait à la police. M. Plumer disait de lui qu’il était « un gars gentil qui avait envie de travailler ».
Benalla avait fait forte impression au « SO » de la rue de Solférino. Il était en charge de la sécurité de Martine Aubry, pendant les primaires de 2011. François Lamy, son lieutenant, se rappelle bien de lui : « On n’avait rien à lui reprocher à l’époque. Il connaissait tout sur les questions de police ». Ensuite, il est passé « référent », pour les déplacements du candidat désigné, François Hollande. Un membre de l’équipe a confié : « C’est un mec gentil, mais quelque peu impulsif, la pression montait très rapidement ».
Il est membre de la « réserve opérationnelle spécialisée », club VIP assez fermé !
Benalla sait se placer à côté des personnes influentes. Il a intégré le cabinet d’Arnaud Montebourg à Bercy, en tant que chauffeur, après l’élection de Hollande à l’Élysée. Il avait 21 ans. Après cela, il a été écarté du SO du PS par Éric Plumer qui trouvait : « Il a trop vite pris de grandes responsabilité, par rapport à sa formation. Il sautait les étapes. On a eu un désaccord ». Benalla, pratiquant du combat rapproché de l’armée israélienne, le krav-maga, apparaît comme un jeune homme pressé. Arnaud Montebourg l’avait viré au bout de quelques semaines, avait rapporté Le Monde. Il avait causé un accident de voiture. Les proches de Benalla ont réfuté cette info, en soutenant qu’il ne faisait que son travail en voiture : protéger son ministre qui serait allé à vélo avec sa fille sur le périphérique.
Licencié, Benalla ne cesse pourtant pas de soigner son profil d’expert et ses réseaux. Il fait son Master 1 à Clermont-Ferrand. Il obtient ensuite un job dans Velours, une société de sécurité privée qui s’occupe principalement de la sécurité des ressortissants saoudiens, de l’Office européen des brevets. Il devient alors chef de cabinet de l’ancien boxeur Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel pour l’Égalité des chances des Français d’outre-mer. Réserviste de la gendarmerie, Benalla rejoint le club VIP assez très fermé, la « réserve opérationnelle spécialisée », en tant que lieutenant-colonel, en 2017. Ce club ne compte pas plus de 100 membres. Avec Vincent Crase, un autre gendarme réserviste présent le 1er mai sur place de la Contrescarpe lors de la manifestation, il avait même essayé de créer une fédération de la sécurité privée.
En 2016, Cazeneuve rejette la requête de Macron !
Il a rejoint Macron en juillet 2016. Avec le départ du ministre de l’Économie du gouvernement, il se retrouve sans le soutien du Service de la protection (SDLP) : il n’y a que les ministres régaliens qui bénéficient d’une protection prolongée. Le staff de Macron avait pourtant fait une demande officielle, en vain. Christian Guédon, ex-officier du GIGN, premier garde du corps recruté par Macron, avait confié : « Cazeneuve est catégorique, c’est non ». Finalement, Benalla sera engagé par Ludovic Chaker, membre fondateur d’En marche, ancien des forces spéciales et spécialiste de kung-fu. Au début, il était bénévole avant de devenir salarié.
Guédon, Benalla, Crase et quelques autres agents continuent à assurer parallèlement la sécurité du désormais candidat officiel, malgré que deux équipes de fonctionnaires du SDLP l’aient rejoint. Tout doucement, Benalla gagne de la confiance et devient indispensable. Un proche du président a confié : « Il a aidé Macron à se tirer de situations bien difficiles avec des solutions extraordinaires. Une fois, des manifestants avaient bloqué la seule issue et il a demandé à Macron de passer par-dessus un mur. C’est un petit malin ».
Alexandre Benalla : « J’emmerde le préfet » !
Voilà comment ils sont devenus proches. Le nouveau président a pu prendre le pouvoir en seulement quelques mois grâce à un commando de fidèles. Pour le remercier, il le recrute comme chargé de mission auprès du chef de cabinet et lui signe un « CDD à durée de mandat ». Quand on le croise à l’Élysée et on lui pose la question, il est fier de répondre : « Je suis en charge de toute la sécurité privée ici ». Selon le protocole, le chef de l’État doit être protégé par es policiers et gendarmes d’élite du GSPR lors de ses déplacements, mais voilà qu’un jeune de 25 ans pas très expérimenté, est logé à la même enseigne qu’eux. Sur des clichés, il est derrière le Président, sur les pistes de ski ou dans la maison des Macron au Touquet. Un proche de Macron a expliqué : « C’est lui s’occupe de tout ce qui touche à la sécurité privée. Il est loyal. Et Macron tient beaucoup aux personnes loyales ».
Il gagne progressivement en confiance. Un proche du palais a dit : « C’est un cow-boy, un shérif ». Sur des images, on le voit en train de raccompagner sans se retenir, un militant communiste à Bobigny pendant l’annonce de la candidature de Macron, en 2016, et en mars 2017, c’était un journaliste de Public Sénat pendant un meeting à Caen. À Tours, en mars dernier, il s’en était brutalement pris à un responsable policier local en disant : « Casse-toi ! Tu nous gênes ». Tout dernièrement, quand les Bleus champions du monde revenaient, Benalla avait un ton très autoritaire face à un chef d’escadron de la gendarmerie à l’aéroport de Roissy : « Attention, savez-vous à qui vous parlez ? J’emmerde le préfet ». Un socialiste qui le connaît bien a dit : « Il est devenu fou ». Un ami de Macron a dit : « Quand on a 26 ans et qu’on est partout avec le président, n’importe pourrait perdre la tête ».
Beauvau est énervé en raison de la reprise en main de la protection du Président !
Péché d’hubris ? Le chargé de la sécurité du roi a senti comme s’il pouvait voler. On dirait qu’une cellule parallèle est née au sein de la présidence, avec la nomination à l’Élysée, auprès du chef de cabinet, d’un commandant de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC). Ce cabinet est directement en liaison avec la préfecture de police. David Le Bars, secrétaire général du SCPN (syndicat des commissaires) a précisé : « Laurent Simonin (le contrôleur général de la DOPC placé en garde à vue) était devenu très proche d’Alexandre Benalla, qui semblait lui promettre un avenir professionnel ».
Benalla cherchait plus : il était membre du comité de pilotage de la création d’une direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR). Cette direction devait désormais gérer toute la protection du chef de l’État. Le but était de tout arracher au GSPR qui est sous tutelle du ministère de l’Intérieur, d’être autonome, de pouvoir recruter des professionnels mieux outillés, tout en gardant le contrôle de la formation. Ce projet venait de la présidence et a été validé au plus haut niveau.
Macron était d’accord avec le principe, et ce n’était pas du tout du goût de la Place Beauvau. Les responsables policiers avaient soutenu : « On ne laissera pas faire ». Ils boycottaient même les réunions budgétaires. Bien sûr, cela a créé des rivalités. Un de ses amis a dit : « Ce jeune de 26 ans qui recadre tout le monde, ne peut que se faire des ennemis dans la police ». Pour cet ami : « Les premières vidéos ont peut-être été diffusées par les réseaux de La France insoumise, mais après, Benalla a été identifié exprès par des gens du ministère de l’Intérieur ».
Il gagne 4 665 882 FCFA brut par mois !
Après la sanction qu’il a reçue dans l’affaire de l’agression du 1er mai : deux semaines de mise à pied avec suspension de salaire, on a eu de nouvelles infos sur lui : son appartement de fonction à Paris, quai Branly, occupé autrefois par Mazarine, la fille cachée de François Mitterrand, sa Renault Talisman de fonction ou encore sur son super salaire mensuel de 4 665 882 FCFA brut. Cela soulève quelques interrogations : pourquoi bénéficie-t-il d’autant de largesse ? Est-ce dans le but de préserver un proche qui connaît beaucoup de ses secrets ? Est-ce une défaillance du système monarchique français, où le chef de l’État peut commander le GSPR, contrairement au Service Secret américain, qui impose ses exigences ? Le Président, qui n’a pas eu d’autre choix que de supprimer cette protection trop rapprochée, a eu une conversation téléphonique avec lui cette semaine après les premières révélations du média Le Monde.
Benalla, qui devait se marier ce samedi à la mairie d’Issy-les-Moulineaux puis au Chalet des Îles, un restaurant du 16e arrondissement, a dû annuler la cérémonie. Il avait aussi dans son agenda un voyage avec le couple présidentiel à Brégançon en août. Depuis qu’il est en garde à vue, son bureau à l’Élysée est verrouillé à double tour.
Source : Lejdd.fr