Le second tour de la présidentielle au Mali, qui a vu Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé, s’affronter hier dimanche, a connu plusieurs incidents.
Mamadou Konaté se tenait contre ça moto, avait l’air désabusé et a dit : « Ça manque de suspense tout ça ». Malgré qu’il était seulement à quelques mètres du bureau de vote de Boulkassoumbougou, en périphérie de Bamako ce 12 août, M. Konaté n’a pas voté pour le second tour de la présidentielle où s’affrontent les deux premiers du premier tour : le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), 41,7 % et Soumaïla Cissé, 17,78 %. M. Konaté semble avoir perdu tout espoir à cause de ce grand écart de près de 24 point. Il a précisé : « À quoi ça sert de se déplacer ? On sait qui va être élu ».
Il n’y avait que 42,7 % des électeurs qui étaient sortis pour voter lors du premier tour. Et il faut dire que les observateurs n’espéraient pas que la situation s’arrange pour ce second tour. 8,1 %, c’était le taux de participation à la mi-journée, d’après le Pool d’observation citoyen du Mali (POCIM), avec ses 2 048 agents répartis sur l’ensemble du territoire. Ibrahima Sangho, le chef de mission du POCIM a dit : « Même dans les grands centres de vote de Bamako, la mobilisation était vraiment timide ».
Troupeaux de moutons !
On pouvait compter plus de citoyens sortis pour acheter des moutons aux abords du goudron de Koulikoro menant au centre-ville de Bamako, que d’électeurs dans les bureaux de vote visités. Le 21 août prochain, ce sera la célébration de l’Aïd-El-Fitr. Il faut croire que les Maliens, majoritairement musulmans accordent plus d’importance à cette fête qu’à l’élection présidentielle.
Quatre kilomètres plus loin, il n’y avait pratiquement personne dans le centre de vote de Dravela Bolibana. On ne voyait que quelques délégués de partis qui enjambaient les flaques d’eau sous une pluie battante, avec des sacs plastiques pour se protéger la tête. Dans les bureaux de vote, les observateurs électoraux et les forces de sécurité étaient bien plus nombreux que les électeurs. Aucun bulletin dans l’isoloir du côté du bureau 8. Pour Kadiatou Diarra, déléguée de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), cette faible participation était prévisible, d’abord en raison de la forte pluie, mais plus encore. Elle avait prédit : « Au premier tour, il y avait 24 candidats. Aujourd’hui, il en reste deux. Les gens dont les candidats sont éliminés sont découragés, ils vont rester à la maison ».
« Pourquoi essayer de frauder » ?
Le peuple malien, aurait-il encore plus perdu espoir à cause des soupçons de fraude dont parle l’Union pour la République et la démocratie (URD), le parti de M. Cissé ? Autour de minuit, à l’occasion d’une conférence de presse organisée précipitamment, à la veille du second tour, l’URD a montré au public un carnet vierge de cinquante bulletins de vote, récupérés à Bamako. Tiébilé Dramé, le directeur de campagne de Soumi, a affirmé : « Si des bulletins circulent ainsi, n’est-ce pas pour détourner le vote des Maliens et in fine bourrer les urnes ? Nous avons toutes les raisons de croire que d’autres carnets sont en circulation à Bamako et ailleurs ».
Après son vote hier, le président sortant IBK a déclaré : « Il est des manœuvres dont nous savons qu’elles sont à l’œuvre pour faire croire que nous serions dans une logique de fraude. (…) Comment frauder quand on a l’assurance de l’estime de son peuple ? Pourquoi essayer de frauder » ?
Le POCIM a parlé de « l’utilisation de deux bulletins pré-signés par des électeurs à Bamako » et de « la signature illégale de procurations par le sous-préfet de Kati ». M. Sangho a souligné : « Beaucoup de cas de fraudes nous ont été rapportés, mais pas autant que lors du premier tour, car il y avait 24 candidats et la majorité d’entre eux avaient fraudé ».
Une bonne dizaine d’incidents ont entaché ce second tour, selon les autorités et les observateurs. Un président de bureau de vote a été assassiné dans le cercle de Niafunké (région de Tombouctou), plusieurs urnes ont été volées et brûlées dans le cercle de Diré (région de Tombouctou), des agents électoraux ont été battus et des bureaux de vote ont été brûlés dans le cercle de Douentza, au centre du Mali. Tout ceci est arrivé malgré les 6 000 soldats supplémentaires déployés sur le terrain pour renforcer la sécurité pour ce second tour, sécurité qui était déjà assurée par plus de 30 000 hommes.
M. Sangho a souligné : « La menace sécuritaire est plus importante que lors du premier tour. Dans le centre et au nord, la psychose s’est installée. Les gens ont peur. Des bureaux de vote ont fermé plus tôt dans les zones de Niafunké (au nord) ainsi que vers Ténenkou et Youwarou (au centre) ». Évidemment, cette psychose doit avoir une grande influence sur le taux de participation dans le nord et le centre du pays. Par contre, dans la capitale, il semble que plusieurs Maliens n’aient plus trouvé aucun intérêt à aller voter pour ce second tour.